
Sami Lakkis, Professeur en Océanographie
Le phytoplancton des eaux marines libanaises et du bassin levantin biologie, biodiversité, biogéographie
Le phytoplancton marin est formé par l’ensemble des algues microphytes qui flottent dans l’eau et qui sont à la base de la production primaire de la matière organique en mer. A cause des pigments assimilateurs contenus dans les chloroplastes des cellules et grâce à l’énergie lumineuse qui entre dans l’eau de mer, ces algues sont capables d’effectuer la photosynthèse et de synthétiser la substance organique nécessaire à la vie des organismes marins.
Les algues microphytes des eaux marines libanaises sont très diversifiées. Les recherches qui ont été effectuées et suivies pendant quarante ans, ont montré que le peuplement du phytoplancton comprend environ 400 espèces, dont 156 Diatomées et 230 Dinoflagellés, 10 Silicoflagellés et 4 Ebriidae, réparties sur 84 genres.
Plusieurs formes introduites de la mer Rouge et de l’Indo-Pacifique à travers le canal de Suez ont établi des populations stables dans le Bassin Levantiin. Ces espèces introduites, dites lessepsiennes, montrent des variations saisonnières qualitatives et quantitatives caractérisées par des efflorescences printanières importantes marquées par des pics d’abondance entre avril et juin. Ce maximum d’abondance correspond à une densité atteignant parfois 1 million de cellules par litre d’eau de mer et correspondant à une biomasse de 1 mg.de chlorophylle-a par m-3 d’eau. de mer.
Les distributions géographique, verticale et saisonnière des espèces ainsi que l’abondance du phytoplancton, dépendent de plusieurs facteurs hydro-climatiques et physico-chimiques. Les sels minéraux nutritifs, comme les phosphates, nitrates, nitrites et silicates qui sont indispensables au développement des algues constituent les principaux facteurs limitants. La température de l’eau, la salinité, les
mouvements des masses d’eau, ainsi que le débit des cours d’eau en mer, affectent la distribution spatio-temporelle du phytoplancton. En hiver les mouvements des masses d’eau, l’arrivée des eaux douces en mer, les courants marins et l’homothermie, créent des conditions écologiques favorables pour une poussée phytoplanctonique printanière. Par contre, durant la saison chaude et période sèche (juin-novembre), l’échauffement de l’eau en surface facilite la formation de la thermocline qui sera suivie d’une stratification intense des couches d’eau entre la surface et 100m de profondeur. Ces conditions hydrologiques ajoutées à un appauvrissement en sels nutritifs de l’eau de mer, engendrent un appauvrissement qualitatif et quantitatif du phytoplancton pendant cette période estivale, faisant du Bassin Levantin une des régions les plus oligotrophes de la Méditerranée. Ainsi le cycle écologique du phytoplancton est directement lié aux variations hydroclimatiques saisonnières. Par ailleurs, ce cycle annuel est observé chaque année, ce qui fait que les fluctuations multiannuelles du phytoplanctron sont régulières et très faibles.
Le Bassin Levantin, y compris le secteur libanais, constitue une zone oligotrophe, la moins fertile de toute la Méditerranée. Cette oligotrophie, malgré une diversité taxonomique élevée, serait à l’origine de la faible biomasse du zooplancton; et partant de la pauvreté en ressources marines et poissonières.